Le nitrate d’ammonium : Un casier déjà bien rempli !
La catastrophe industrielle de Beyrouth le 4 août dernier réveille de vieux et douloureux souvenirs.
Flash back :
A Toulouse, le 21 septembre 2001, une terrible explosion à l’usine AZF faisait 30 morts et des dégâts considérables. Les séquelles physiques et psychologiques chez les toulousains sont encore nombreuses aujourd’hui.
Mais aussi :
28 juillet 1947, Brest – France, 25 morts : le feu prend dans une cale du cargo Ocean Liberty où il y avait du nitrate d’ammonium. Plusieurs déflagrations se produisent tandis que les pompiers interviennent Le bateau est remorqué hors du port et explose quelques heures plus tard, alors que le feu atteint une autre cale remplie de nitrate d’ammonium.
18 février 2004, Iran, 328 morts : suite au déraillement d’un train de 51 wagons dont 7 renfermaient 420 tonnes de nitrates d’ammonium et les autres différents produits (urée, soufre, fuel…), le nitrate d’ammonium explose après l’incendie provoqué par l’ensemble des matières dangereuses.
9 mars 2004, Barracas – Espagne, 2 morts et 3 blessées dans l’explosion d’un camion transportant 25 tonnes de nitrate d’ammonium. Celle-ci fait suite à un incendie survenu après une collision avec une voiture de tourisme.
Et plus récemment, les explosions sur le port de Tianjin en Chine le 12 août 2015 avaient elles été aussi dévastatrices entraînant également la destruction d’un stock de cyanure de sodium et la diffusion dans l’atmosphère d’un panache de fumées cyanurées.
Un point commun à ces accidents industriels : Le nitrate d’ammonium
Présentation du nitrate d’ammonium
Découvert en 1659 par Hans Rudolf Glauber qui l’avait surnommé « nitrum flammans », le nitrate d’ammonium, de formule NH4NO3, est principalement utilisé comme engrais azoté sous le nom d’ammonitrate, mais il est également doté d’un grand pouvoir oxydant et entre dans la composition de certains explosifs.
Généralement, le nitrate d’ammonium se classe en 2 grandes catégories :
– celle du nitrate d’ammonium technique, élément de base pour les explosifs nitrate-fioul, commercialisé sous forme de granulés poreux de faible densité (densité apparente du nitrate d’ammonium technique : 0,74) ;
– celle des engrais ou fertilisants à base de nitrate d’ammonium, dont les plus couramment utilisés sont dénommés ammonitrates, commercialisés sous forme de granulés non poreux à haute densité (densité apparente pour engrais et fertilisants : 0,93 ==> cette valeur dépend non seulement de la granulométrie des charges mais aussi des divers additifs).
Sa classification selon le Réglement CLP est la suivante :
Matières solides comburantes – Catégorie 3
Lésions oculaires graves/irritation oculaire – Catégorie 2
Mention d’avertissement :
Attention
Mentions de danger :
Peut aggraver un incendie; comburant (H272)
Provoque une sévère irritation des yeux (H319)
Quand le nitrate d’ammonium explose ?
Ordinairement stable, cette substance nécessite toutefois une certaine rigueur dans son entreposage en raison de son potentiel explosif.
Sous l’effet d’une forte température (au moins 210 °C), ce solide assez dense se décompose subitement en différents gaz dans une réaction qui libère une immense quantité d’énergie et crée une onde de choc.
Il faut donc soumettre au préalable le nitrate d’ammonium à une forte chaleur pour révéler son caractère explosif. A Beyrouth, un incendie visible sur les vidéos amateurs précède les 2 explosions.
Les localisations des installations en France
En France, le nitrate d’ammonium est encadré par la législation des ICPE.
Cette substance est classée selon 3 rubriques : 4701, 4702 et 4703. Dans ces 3 cas, la quantité de nitrate d’ammonium susceptible d’être présente au sein de l’installation peut concourir à un classement SEVESO seuil bas ou seuil haut de l’entreprise.
A l’aide de la base de données publique du Ministère de la Transition Ecologique, et en sélectionnant une zone géographique et les numéros de rubriques correspondantes, vous trouverez les installations de stockage de nitrate d’ammonium et leur classement administratif.
https://www.georisques.gouv.fr/risques/installations/donnees#/
La prévention des risques industriels
Ces (trop) nombreuses catastrophes industrielles rappellent ô combien la prévention des risques industriels est primordiale :
Evaluer ses risques, stocker le strict nécessaire, répondre aux exigences réglementaires et élémentaires de stockage de ce genre de substances (exigences techniques / organisationnelles), former le personnel intervenant (interne ou entreprises extérieures), auditer fréquemment les conditions de stockages, l’application des procédures mises en place, …
La prévention des accidents majeurs doit être totalement intégrée au fonctionnement d’un site industriel et non pas un processus déconnecté.
Au sujet du nitrate d’ammonium, les principales exigences réglementaires à appliquer sont les suivantes :
- Votre ou vos Arrêté(s) préfectoral(aux)
- Les Arrêtés Ministériels de Prescriptions Générales (AMPG) des rubriques ICPE suivantes 4701/4702/4703 (Arrêté du 18/12/2008 ou Arrêté du 06/07/06)
- L’Arrêté Ministériel du 26/05/2014 sur la prévention des accidents majeurs
- La recommandation R428 sur le stockage de nitrate d’ammonium (https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/9904/document/r428_v2010.pdf)
- etc…